Dans son livre « Ce que les peuples racines ont à nous dire – De la santé des hommes et de la santé du monde » (1) Frederika Van Ingen précise que, depuis la nuit des temps, l’aspiration commune à tous les humains est de vivre en bonne santé.
Elle rajoute : « Préserver la santé, retrouver le bien-être est d’ailleurs une préoccupation qui se situe au cœur de tous les systèmes humains. La santé est ce lien ténu qui nous relie à la vie ».
En Occident, dès que nous sentons que notre santé est mise en péril, nous devenons des guerriers désirant tuer ou anéantir les microbes (le mot microbe regroupe l’ensemble des bactéries, des virus, des champignons, …).
Qui n’a pas entendu parler de quelqu’un qui se bat contre une maladie, une tumeur, un cancer ?
Serait-il possible, pour nous, d’imaginer de prendre soin de soi sans toute cette violence verbale qui l’accompagne ?
Pourrait-on concevoir des réactions de « défense » qui ne déploieraient pas tout un arsenal militaire en mots et injonctions ?
Pourrait-on faire face au coronavirus sans vouloir l’exterminer ou le supprimer ?
Vous trouvez mes propos choquants ?
C’est possible et bienvenue à votre réaction. Je ne cherche pas à avoir raison. Je me questionne simplement.
Bernard Pivot, dans son livre « C’est quoi la question ? » souligne que le point d’interrogation est la ponctuation qui invite au dialogue. Il disait même « le point d’interrogation » est une curiosité, il exige une réponse, c’est le symbole même de la vie qui continue, de la culture qui se perpétue, de la recherche qui s’accentue…
Je m’interroge donc sur notre attitude face à la maladie, face aux virus, face à la mort.
Pourquoi cet esprit guerrier ?
Qu’est-ce qui nous empêcherait de considérer les microbes comme des parties de nous et de les soigner comme nous soignons nos enfants, avec amour et bienveillance ?
La médecine occidentale, il me semble, a été influencée par Descartes qui, en 1637, écrivait le Discours de la Méthode et affirmait qu’il fallait chercher « LA VÉRITÉ », la seule vérité scientifiquement prouvée. La médecine, en devenant scientifique, a mis « la bonne santé » sur le piédestal de « LA VÉRITÉ » reléguant la maladie au niveau d’erreur, de dysfonctionnement à bannir au plus vite.
Qu’est-ce qui fait que nous cachons nos morts en Occident ?
Selon moi, la création des hôpitaux à partir du 17ième siècle nous a fait perdre notre lien naturel avec la mort. A l’heure actuelle, la mort d’un malade signifie avant tout l’échec du médecin. Et il se peut que l’acharnement thérapeutique soit justement une fuite pour ne pas faire face à cet échec.
Avec la vision cartésienne qui joue avec la déduction systématique, la santé est appréhendée en Occident comme un état : « je suis ou je ne suis pas en bonne santé. Et si je ne suis pas en bonne santé, c’est donc une erreur qu’il faut immédiatement corriger ».
Ce qui explique cette relation punitive (et expéditive « manu militari ») que nous avons établie avec la maladie.
Dans d’autres pays ou sur d’autres continents comme en Chine, en Inde, en Amérique Latine ou en Afrique, la santé est vue comme une perpétuelle recherche d’équilibre.
Les médecins ou guérisseurs s’interrogent sur les points de déséquilibre potentiel avant que la maladie ne se manifeste. Et quand celle-ci se présente, l’acte de soigner cherche à rééquilibrer autant l’environnement, le groupe, la région que la personne malade.
Je ne prône pas une médecine par rapport à une autre.
Je souligne simplement les différences d’états d’esprit.
Par contre, rien ne nous empêche de prendre le meilleur de toutes les médecines !
Nous pourrions ainsi conjuguer soins de qualité et vision holistique de la maladie.
Les microbes dont l’étymologie veut dire « petite vie » ainsi que les cellules ou les organes malades seraient vus, accueillis et traités avec douceur, intérêt, curiosité…
Nous pourrions même les écouter : que veut me dire cette maladie ?
Que peut bien nous dire ce coronavirus ?
- Au niveau mondial, quels déséquilibres nous signalerait-il ?
- En altérant le système respiratoire, est-ce qu’il nous indiquerait un déséquilibre au niveau de la qualité de l’air ?
- En touchant les personnes plus sensibles, est-ce qu’il nous inviterait à réfléchir à la façon équilibrée (ou non) avec laquelle nous prenons soin des personnes « moins vigoureuses », « moins actives », « moins rentables », « moins valides », « moins…etc » ?
Dans cet état d’esprit d’explorateur et non plus de guerrier, le coronavirus devient une source d’enseignements pour notre futur !
Et laissons le mouvement naturel de la Vie reprendre son cours...nous laissant « porter » par la Vie comme nous pourrions être portés par l’eau de la rivière si nous étions une embarcation légère…car ainsi va la Vie !
(1) Les Liens qui Libèrent - janvier 2020
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